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La numérisation est essentielle pour les entrepreneurs qui veulent se professionnaliser, et la Confédération Construction doit les préparer à ce nouveau défi.

Embuild – Viktor Marinus (CRR)« La question est : que faites-vous de toutes ces données numériques ? »

Le Centre de Recherches Routières (CRR) accompagne les entrepreneurs routiers dans leur transition numérique. Mais pour Victor Marinus, coordinateur IT au CRR, utiliser des outils numériques n’est pas la même chose que d’être vraiment numérisé. Ce dernier point exige quelque chose de plus : faire un usage utile des énormes quantités de données générées.

Les entrepreneurs routiers, désireux d’innover, peuvent aller frapper à la porte du CRR, ils y sont à la bonne adresse. En effet, l’institut de recherche suit de près les innovations dans le domaine de la construction routière, non seulement des aspects tels que l’asphalte à basse température ou les matériaux recyclés, mais aussi la gestion numérique des processus. Le secteur est en pleine évolution à ce sujet.

« Nous ne disposons pas de chiffres exacts sur la numérisation de nos entreprises. Mais nos contacts avec elles nous permettent de dégager une tendance. Il existe un certain nombre de pionniers, mais il y a aussi un grand groupe d’entreprises, pour la plupart plus petites, qui ont moins de maturité numérique. Dans ce domaine, nous ne sommes pas très différents de la construction en général. Buildwise arrive d’ailleurs à une conclusion similaire dans sa récente analyse des mégatendances à venir. Est-ce grave ? Il ne faut jamais oublier que la numérisation est un moyen et non une fin. Les entreprises ont également d’autres préoccupa- tions en tête : décrocher des contrats, exécu- ter des travaux, trouver de nouveaux travail- leurs… », explique VICTOR MARINUS

Pourquoi numériser ?

La question est : pourquoi numériser ?

« Pour la raison que toute entreprise numérisée vous donnera : vous pouvez réaliser des gains d’efficacité. Prenons l’exemple des plans papier. Ils prennent beaucoup de place, il faut les imprimer, les mettre côté à côte, les comparer…Comparez cela à la précision et à la facilité d’utilisation d’une approche numérique. La mesure du terrain peut être plus rapide et plus précise, les machines peuvent être pilotées par GPS, l’administration est plus fluide… »

« Tout cela est bien connu. Mais il y a une deuxième raison, plus profonde, pour numériser. Dans notre sous-secteur, on voit de plus en plus d’entreprises qui n’ont pas d’expérience dans la construction routière, mais qui se lancent dans des solutions numériques, par exemple pour l’entretien et le suivi de l’infrastructure. Ces solutions vont continuer à se développer pour devenir un marché avec un vrai potentiel. Les entreprises de construction routière classiques risquent de perdre de la vitesse si elles ne suivent pas cette évolution. »

Le grand défi

Comme indiqué ailleurs dans ce dossier, les outils numériques ne manquent pas pour la construction de routes et d’infrastructures. Les machines, les équipements, les appareils les plus divers sont désormais dotés d’appli- cations numériques. Quiconque veut numériser a l’embarras du choix. Mais pour Victor Marinus, ce processus n’est pas une fin en soi. Il s’agit plutôt de quelque chose de nouveau. « Toutes ces applications utilisent des données, mais elles génèrent aussi d’énormes quantités de données. Être véritablement numérisé signifie que l’on commence à faire quelque chose de ces données, qu’on les utilise de manière utile et intelligente. De nos jours, tous les camions sont équipés de traceurs GPS. Mais que faites-vous de toutes ces données de positionnement pour optimiser l’utilisation des véhicules ? », indique Victor Marinus. « Je prends souvent l’exemple de l’e-commerce. Il génère beaucoup de données sur les clients : quel est leur profil, ce qu’ils achètent, à quels pop-ups ils réagissent…Celui qui utilisera toutes ces données sur les clients fera partie des gagnants. Ceux qui ne voient dans le commerce en ligne qu’un magasin numérisé passent à côté d’opportunités. »

« L’asphalte n’est pas de meilleure qualité parce qu’il est posé par une machine numérisée. Mais on sait au millimètre près où se trouve la route. Ces informations peuvent être extrêmement utiles pour le reste du cycle de vie d’une route, d’un égout ou d’une canalisation. Vous pouvez les utiliser pour surveiller l’usure, planifier l’entretien préventif…Qu’allons-nous faire de ces données ? C’est un défi bien plus important que de faire de l’informatique. »

« Le BIM et les jumeaux numériques sont au cœur de cette évolution, en tant qu’outils globaux. Le BIM englobera l’ensemble de l’histoire numérique. Mais son application n’est pas encore très répandue. Et ce n’est pas si simple. Pour les bâtiments, on part d’une feuille blanche, de zéro. C’est rarement le cas pour les routes, où l’on travaille souvent sur des infrastructures existantes, pour lesquelles il n’existe pas de modèle BIM. Pour l’instant, cette approche est surtout utilisée dans les bâtiments. Dans la construction routière, elle n’est pas encore aussi répandue. Des entreprises s’y mettent et d’autres sont attentistes. Il n’est pas encore strictement nécessaire de monter dans le train tout de suite, mais ceux qui laissent passer trop de trains finiront par arriver trop tard. »

Proof of concept

L’un des objectifs stratégiques du CRR est d’être un partenaire des entrepreneurs rou- tiers dans la transition numérique de leur sec- teur. « Que pouvons-nous faire pour aider les entreprises à avancer pas à pas ? », s’interroge Victor Marinus.

Conformément à cet objectif, le CRR mène plusieurs projets visant à rendre les données existantes utiles aux entrepreneurs. Il travaille généralement via ce qu’on appelle des proofs of concept (preuves de concept), qui démontrent que quelque chose fonctionne.

« Ces dernières années, le CRR a mis en place une plateforme SIG, un système d’information géographique, sur l’un des serveurs. Lorsque nous mesurons l’adhérence, le bruit de roulement d’un revêtement routier ou toute autre mesure, nous l’associons désormais systématiquement à des données géographiques, ce qui permet de localiser ces informations. En collaboration avec mobiwall, nous avons ensuite développé un proof of concept pour démontrer les avantages des données géolocalisées. Par exemple, nous avons demandé à Proximus et à d’autres entreprises responsables de canalisations de nous indiquer, pour un chantier spécifique, où se trouvaient leurs impétrants. Les entrepreneurs pouvaient consulter ces informations en ligne, directement depuis le chantier. Nos membres ont réagi avec beaucoup d’enthousiasme. »

« Nous estimons qu’il est de notre devoir de montrer ce que la numérisation permet. Nous n’avons pas l’intention de développer nous-mêmes de tels systèmes. Nous laissons cela au marché. Les applications peuvent d’ailleurs être très simples. Bruxelles Mobilité, par exemple, travaille à l’inventaire et à l’évaluation de l’état de ses trottoirs à l’aide d’outils numériques. »

Open data

Les autorités publiques sont les maîtres d’ouvrage de la grande majorité des projets de construction routière. Lorsqu’elles prennent une initiative, l’effet est important. Elles peuvent le faire en imposant quelque chose. Mais à la fin de cet entretien, Victor Marinus note que les gouvernements peuvent jouer un autre rôle : créer les conditions dans lesquelles la numérisation peut pleinement réaliser son potentiel. « Depuis plusieurs années, le gouvernement flamand n’accepte que les factures électroniques des adjudicataires. L’ e-procurement est utilisé pour les avis de marchés publics. Cela a stimulé la numérisation de nos entreprises. Mais le gouvernement peut aussi jouer un rôle en insistant constamment sur l’open data, en mettant à disposition les informations numériques dont il dispose et qui sont utiles pour nos entreprises. Il y a encore du pain sur la planche dans ce domaine. Un jour, nous avons cherché à savoir où se trou- vaient exactement les bornes kilométriques, en Flandre. Il s’est avéré que ces informations étaient disponibles sur le portail SIG flamand Geopunt, mais il n’était pas facile de les trouver. Si nous voulons que le secteur se numérise, il faut aussi que toutes les données nécessaires soient facilement accessibles. »

Cet article est tiré du magazine Embuild – édition de juillet.

Victor Marinus -CRR

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